mercredi 25 mai 2011

Un peu de Culture...

Nous sommes tous des passionnés au sein de Terra Moundino
et parmi nous, certains ont quelques talents d'écritures
Aujourd'hui nous vous proposons un texte de Louis Marty sur
La Femme Cathare au XIIIème siècle

Bonne lecture

"L’homme médiéval se meut dans un univers de signes. Sa religiosité concrète lui fait voir en ce monde, centre de la création, un champ d’intervention divine.
Il a placé des croix, marque de son dieu, à la limite de son champ, et sur la pierre levée des anciens païens qui dérangent sa campagne. Ainsi le diable se gardera t’il d’y laisser l’empreinte de son sabot fourchu.
Il prie son dieu à deux genoux, les yeux tournés vers l’autel consacré par le seigneur évêque, au beau milieu du chœur de la petite église, qui indique la direction de l’orient et de la terre sainte. 
Si sa récolte est bonne, c’est que dieu lui sourit, et que les processions dans les chemins creux lui ont été agréables. C’est que tout le village vit dans la paix des mœurs et le labeur.
La maladie du corps est signe d’une corruption de l’âme. L’intercession des saints, l’eau bénite et les cierges, les prières et les repentances, obtiendront peut être de Dieu grâce et rémission et guérison.
Dieu se penche indéfiniment sur sa création, distribue à ses créatures messages, punitions, avertissements. Son bon vouloir s’exprime par les miracles, ses avis par le jugement de dieu.
L’homme sait que dieu dessine dans le ciel, des signes : les comètes présagent des épreuves hors du commun, une guerre, une famine. Un jour les signes se feront plus dramatiques, comme l’annoncent les saintes prophéties : ce sera la fin des temps.
L’homme chemine, entre la grêle, la colère divine et la hantise du salut, sous l’angoisse de la damnation éternelle. Dans la forêt des symboles, des images et des chiffres qui lui sont repères du sacré sur cette terre, il s’avance en comptant ses pas. Il se dirige vers l’église de son village, encore et toujours, songe qu’au bout des mains des prêtres, le pain de l’eucharistie se fera corps divin, que dans le tabernacle, présent, rassurant, menaçant son dieu veille. L’homme médiéval, le chevalier, le laboureur , la veuve, la bergère ou le chanoine, vit dans les mains ou sous le regard de dieu.

Sauf le chrétien , ou la chrétienne Cathare.
Ils sont là, souriants, ironisent des superstitions des croyants et des clercs de l’église romaine, et répondent que dieu n’a pas à se préoccuper des inconséquences de se bas monde, dont Satan est le prince. Pour eux, dieu est ailleurs, dans son éternité, dans la lumière du bien et de l’amour.
 Eux, ils n’ont jamais fixé un crucifix de bois ni un autel de pierre, jamais ils ne se sont signés en écoutant tonner le tonnerre, ils n’ont jamais prié la vierge de guérir un des leurs.

En plein cœur du X III siècle, en pays occitan, toute la population médiévale d’hommes et de femmes tendent à récuser ce modèle chrétien dominant……

Dans ce pays occitan, le comté de Toulouse, celui de Foix, la Vicomté de Carcassonne et de Béziers, la vie est agréable par rapport au reste de l’europe. La paix règne, sauf les petites guerre entre seigneurs locaux, les productions agricoles sont suffisantes, dans les villes le commerce est florissant ; les échanges avec l’Espagne sous domination Maures sont sans problèmes, les juifs occupent des postes jusqu’auprès de Raymond de St Gilles, VI comte de Toulouse. Par rapport à ce qui deviendra la France, la civilisation Occitane est à son apogée.
Évidemment, la société est religieuse, chrétienne. La libre pensée est inconcevable au temps des cathédrales et des églises de pierres et de briques. L’athéisme rarissime pour ne pas dire inexistant. Cette société est chrétienne jusque dans ses abus, dans ses manques, sa justice et ses injustices. Les autorités ce sont les saintes écritures.

Traditionnellement, cette église se voue au mépris du monde et de la chair, prône pour ses clercs, et ses élites spirituelles un idéal d’ascèse et de pureté absolue. Seul le détachement, du désir sexuel et la virginité bien mieux que la simple chasteté, peuvent assurer en perfection morale le chemin vers Dieu.
La femme est considérée comme l’agent de la faute pour l’homme. Depuis Eve , elle est tentatrice, libidineuse, au service du malin, elle cherche à détourner l’homme de son chemin vers Dieu.
C’est qu’en effet dans cette tradition chrétienne sans âge, la femme est une créature un peu moins parfaite que l’homme : l’homme a été crée à l’image de dieu, mais la femme seulement à sa ressemblance ? De par sa nature, la femme est un être faible, inconsistant, inconstant ; elle est obsédée de luxure et de désir charnel. Indolente, porté aux plaisirs des sens, la femme représente un danger pour l’homme qui veut faire son salut.
C’est dans cet esprit que le mépris du monde, le mépris de la chair selon la théologie catholique la plus élevée, c’est le mépris de la chair de la femme.
Pour maintenir la faible, inconstante et dangereuse créature dans les bornes et dans les normes, il était bien sur que de la recommander à la sollicitude de l’autorité masculine.
Le processus  d’élaboration du mariage chrétien, du mariage sacrement, mènera de pair des perspectives de régulation de la sexualité et de la société. Mariage indissoluble, béni par le prêtre, et consacré par dieu, sur la base de la soumission de l’épouse à l’époux, de la femme à l’homme.
La femme doit soumission et obéissance à son mari ; en contrepartie de quoi ce lui ci lui concède, son devoir conjugal, unilatéral puisque il est bien connu que la femme seule est dévorée d’appétits charnels. Le mari est donc tenu, par le mariage de répondre à la demande de son épouse, mais dans un strict but de procréation, le plaisir étant considéré comme un pêché, et en plus dans le cadre étroit des jours autorisés encore. Il est en effet tenu pour sacrilège de s’unir charnellement à son épouse durant le carême et l’ensemble des fêtes religieuses, et tout autant déconseillé de le faire lorsque qu’elle est enceinte ou qu’elle allaite.
Pour distraire l’épouse chrétienne de l’obsession de la chair qui est considéré comme de nature féminine, des bavardages et des menues futilités de son sexe, il  est bon de la tenir tous les jours occupées, les mains à la quenouille, brodant, cousant, rapetassant, même dans la bonne société qui n’a pas besoin de travail féminin pour prospérer.
Les pratiques contraceptives et les potions abortives, bien sur sont interdites. Dans ce domaine, la main du diable est visible aux yeux éclairé des canonistes. Le mariage n’a pas pour fondement la concupiscence charnelle, mais le simple devoir de procréation. Saint Jérôme disait déjà que trop aimer sa femme était un pêché aussi grave que l’adultère.
Il est vrai que le sacrement du mariage, comme le célibat des prêtres ne remonte qu’au XII siècle.

Les hérésies du XI et XII siècle, tout comme le catharisme ont en effet le propre de ne pas rejeter la femme dans le mépris, mais bien au contraire de l’accueillir dans un rêve commun
 d’abolir toute sexualité, toute différenciation, en retrouvant la pureté des êtres célestes, les relation d’amour des purs esprits. C’est pourtant l’égale, la sœur que recherchait en la femme le fou de dieu du XI siècle. Nous sommes à la racine de l’amour courtois.
Au lendemain de la réforme grégorienne, les hérétiques, refusèrent le mariage-sacrement : ils s’élevèrent contre ce sacrilège qu’il y avait, selon eux, à revêtir d’une apparence de religion l’acte purement charnel et profane de l’union matrimoniale. Ils clamèrent bien haut que mariage, adultère, inceste n’était qu’un seul et même péché ; que la sacralisation du mariage était un leurre et que les clers n’avaient pas à bénir l’union des corps qui est immanquablement souillure. Les cathares s’inscriront, dans cette tradition.

Être imparfait selon la théologie de la tradition catholique qui lui interdit l’accès au sacerdoce, personne mineure selon le droit canonique qui la soumet à l’autorité et à la protection masculine, la femme médiévale reprend existence en droit coutumier, c’est à dire dans la société civile et laïque ou sa capacité juridique se révèle pleine et entière et la laisse exister à coté des hommes. Il est évident que nous parlons uniquement dans le Languedoc actuel.
Dans ces régions, la femme subit un état de subordination par rapport à l’homme : elle est moins instruite que lui, au mariage elle prend son nom, le droit public ne la connaît pas, elle est exclue de toutes les charges publiques. Mais selon le droit privé, elle est indépendante et peut disposer d’elle même.
Majeure à douze ans, son frère à quatorze, elle se marie relativement tôt, en moyenne vers dix huit ans. Son époux est généralement plus âgé qu’elle. Il est couramment un homme d’environs trente à quarante ans. Cette différence d’âge ex plique en partie le nombre de veuves que l’on rencontrent dans les actes et dans les textes de l’époque.

Jeune fille, elle hérite à la mort du père au même titre que ses frères ; par contre si elle est déjà mariée, on considère généralement qu’elle n’a plus à prétendre au patrimoine familial et que la dot qu’elle a reçue au moment du mariage lui tient lieu de part. Si elle est majeure au moment ou elle hérite, elle peut être propriétaire aussi bien qu’un homme que ce soit en droit romain ou en droit féodal.
Elle peut alors disposer de ses biens par testament, commercer, vendre ou emprunter, se porter caution, faire des saisies immobilières et même exercer la contrainte par corps comme n’importe quel créancier mâle de Toulouse. Elle a également le droit de pratiquer tous les métiers dans le commerce et l’artisanat.
Ce droit coutumier est à l’origine de l’émiettement de la société féodale occitane, car quand un seigneur décède, le droit d’aînesse n’étant pas reconnu, tous les enfants se partagent les terres et le droit, filles comprises, selon la coutume familiale, d’ou l’origine de l’institution des coseigneurs et des coseigneuresses, caractéristique de la société occitane avant la conquête française.
Malgré tout, les hommes se plaignent du démantèlement du patrimoine familial qui ruine la famille nantie ou modeste, mais la dot protège la femme, telle est sa fonction.
Ces biens qui lui sont propres, et lui viennent de sa famille, la femme après son mariage peut les administrer personnellement, sans le contrôle de son mari, qui ne peut même pas dilapider sa dot sans son accord exprès. Veuve elle y ajoutera la donation au mariage qui lui vient de son époux et de sa belle famille. A la mort de son mari, elle récupère sa dot et elle est prioritaire par rapport aux créanciers.
Toutefois des sanctions civiles peuvent pourtant priver la femme de sa sacro –sainte dot, et ce bien sur au manquement le plus grave religieux et civil : l’adultère. La coutume civile Toulousaine, se montre en fait cruellement sévère : la malheureuse doit subir, le fouet, la tonsure et la réclusion dans un monastère, au bon vouloir du mari.
Il a le droit de battre sa femme, mais pas de la tuer, toutefois, il peut bénéficier d’une excuse dans le cas ou les deux complices font mine de résister.
Si tout se passe sans effusion de sang, il demeure, après les punitions d’usage que tombe la sanction finale, la privation de la dot pour l’infidèle.
 Notons qu’en cas d’infidélité de l’époux, il n’est pas punissable, que ce soit dans le cas d’une relation simple avec une femme marié ou non, à son domicile ou ailleurs, ni même s’il est pris en flagrant délit.
A la mort du mari, l’épouse se voit désignée comme chef de famille et maîtresse de la maison jusqu'à la majorité de ses enfants. Mais ce sont les enfants qui à la majorité hériteront, et dans le cas ou ils disparaissent, elle est écarté de sa propre succession ; la coutume fera choisir le plus proche parent de leur père. La femme survivante n’aura comme protection que sa dot et ce système fonctionne assez bien dans l’ensemble.
Souvent ces femmes ont du mal à vivre, et se joignent à la foule des femmes veuves qui en semi pauvreté, ou aux joies douteuses du remariage, préfèrent la vie en religion et deviennent parfaites.
 
Quand une dame entrait en religion, quand elle se faisait bonne chrétienne, qu’elle abandonnait tous se biens pour sauver son âme, elle en amenait une bonne part à l’église. Elle quittait son mari, ses amants, ses enfants, pour se consacrer à sa vie religieuse.
Il est certain, que le catharisme répondait mieux, que l’église catholique, à l’aspiration des femmes à l’aventure spirituelle. L’égalité des âmes et  l’unicité du << consolament >> Rien ne distinguait en théorie, un ordonné, d’une ordonnée, d’un bon homme d’une bonne femme.
La bonne dame était libéré du mal, tout le monde devait s’incliner trois fois devant, simple paysan ou chevalier. Elle avait le droit de prêcher, elle avait le droit de conférer le sacrement qu’elle avait reçu.
 Moins obscure et silencieuse que la moniale catholique, elle vivait en communautés ouvertes sur le monde, recevait des visites, se rendait avec une compagne chez des parents, des amis, des alliés. On la respectait, on l’écoutait, elle restait l’aïeule, la mère, la tante, l’amie.
Contrairement aux hommes, elle ne prêche guère, ne console pas, du moins avant la croisade, elle reste sédentaire dans le travail et la prière.
Son rôle est celui traditionnellement de mère, d’épouse, de protectrice, de parente vénérée : c’est la prise en charge de l’éducation spirituelle et religieuse de sa famille, de tout le lignage dont elle devient la directrice de conscience.
Dans la maison communautaire, elle s’occupe de ses petits enfants, et souvent a entraîné avec elle la plus jeune de ses filles pas encore mariée.
La maison communautaire des bonnes femmes restent un lieu exemplaire, lieu de vie de femmes entre femmes, tout d’abord, et économiquement indépendante puisque la vie de toutes est assurée par la travail de toutes, elle regroupe des éléments de tout âge et de toutes origines sociales.
A Casseneuil, en Agenais, la croisade en 1209 alluma son premier bûcher, et ce qui frappa l’imagination, ce fut la présence parmi les hérétiques de dames de la haute société, et non de simples femmes crédules vite abusées.
La maison cathare peut constituer aussi le refuge de la mal mariée, l’expédient de la famille ruinée pour placer ses filles sans dot, également celui d’un seigneur qui veut se débarrasser de sa femme qui ne lui plaît plus.
Cellule de vie autonome, ou l’orpheline du forgeron, la veuve du tisserand et celle du chevalier, se partageaient labeur et enseignement religieux, la maison des bonnes femmes constituait une pépinière de novices ou de bonnes croyantes, qui assurait la bonne assisse sociale de leur église.
Les grandes matriarches nobles qui tenaient les maisons, avaient la satisfaction, de jouer un rôle marquant auprès de leurs compagnes, comme auprès de leurs anciennes relations, de leur monde, de leur parentèle qui venaient les visiter. Les plus humbles religieuses, celles de pouvoir vivre indépendantes de toute tutelle masculine, paternelle, fraternelle, maritale si elles le désiraient, et de toute façon d’assurer leur salut, sans se couper du monde plus sûrement que dans un couvent catholique.
Même si la religieuse cathare n’eut jamais accès à la hiérarchie de son église, elle tient un rôle social et spirituel sans commune mesure avec celui de la moniale catholique.

En cette fin du XII siècle, qui a vu l’ouverture de maisons cathares, et l’adhésion de tant de femmes de la grande et petite noblesse au christianisme spiritualiste des bons hommes, le grand mouvement qui ébranle l’église dominante, témoigne un peu partout de la prise de conscience, de la prise de parole, d’une demande et d’une présence active des femmes.
Le catharisme n’est pas un phénomène isolé, n’est pas inexplicable, ce n’est pas un  hasard si les femmes vaudoises prêchaient le long des chemins, si plus tard des femmes plus humbles se font béguines et brûlent de l’idéal franciscains, avant de brûler sur les bûcher de Rome.

Les cendres du bûcher de Monségur se sont depuis longtemps refroidies, et avec elles les derniers cathares. Malgré cela  cette période a été un souffle de liberté au niveau des croyances et des tolérances, vite réprimé par l’église de Rome qui ne pouvait pas tolérer la remise en cause de la société telle qu’elle la concevait, c’est à dire avec le pouvoir temporel à ses ordres, et une église catholique toute puissante.
L’inquisition durera un siècle et avec elle la destruction de toute une civilisation, qui avait apporté dans le pays une renaissance au niveau des mœurs et des idées. A la mort du dernier comte, Raimond VII en 1249, le pays sera rattaché au royaume de France, et se sera fini de cette civilisation. L’histoire du catharisme, c’est l’histoire de toute une société, une culture, une civilisation, un peuple."

Le 03 03 2011.

Louis Marty.

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